La classification disparate des piles et accumulateurs usagés : conséquences sur la filière de collecte et de recyclage

Le sujet n’est pas nouveau et revient très régulièrement dans les discussions avec les régulateurs de la Commission Européenne : faire évoluer et harmoniser le classement des piles et accumulateurs usagés pour simplifier et favoriser la collecte de ces produits en fin de vie.

En effet, aujourd’hui, dans la plupart des pays de l’Union Européenne, les catégories de piles et accumulateurs contenant du plomb, du cadmium et du mercure sont considérées comme dangereuses pour l’environnement, les autres non.

A cela s’ajoute une classification différente pour le transport des piles et accumulateurs usagés où le lithium est l’élément qui fait basculer les collectes dans la catégorie dangereuse, que ce soit par la route, le rail, la mer ou les airs, alors que les piles au lithium sont classées déchets non dangereux pour l’environnement.

De plus, la mise sur le marché massive de piles au Lithium, rechargeables ou non, bouleverse depuis quelques années l’ensemble de la filière. Cette catégorie Lithium est aujourd’hui mise dans le pot commun réglementaire des « autres piles et accumulateurs » alors qu’elle va bientôt représenter la part de marché en nombre de piles la plus importante.

Le législateur va donc devoir s’adapter avec un risque important de compliquer une nouvelle fois les opérations de conditionnement et de collecte.

L’état des lieux est le suivant :

Le concept d’article n’est pas défini de la même manière dans REACH et dans la législation déchet. Au niveau déchet, on doit regarder la composition des substances présentes ou faire des tests de labo pour déterminer les dangers comme nous le verrons ci-après.

UN CLASSEMENT DATANT DES ANNEES 2000

La classification actuelle de la Commission Européenne selon le Catalogue Européen des Déchets est la suivante :

 

L’usage actuel de la profession en France est le respect de cette réglementation, avec une gestion spécifique des déchets dangereux comme les accumulateurs au plomb, au Ni-Cd et les piles au mercure une fois triées.

Les acteurs de la filière respectent également la gestion en déchet dangereux pour les piles collectées en mélange, ce qui est systématiquement le cas pour les collectes dans les commerces et les déchetteries.

Les catégories 16 06 04 et 16 06 05 (non dangereux) sont utilisés pour les piles alcalines, NiMH et Li- ion une fois triées.

Pour ce dernier point, deux questions se posent :

Le règlement CLP est aujourd’hui utilisé pour classer les substances chimiques et les mélanges. Non seulement les critères de classification ont changé, mais les pictogrammes à utiliser dans les étiquettes, l’emballage, ou pour les instructions sur le lieu de travail ont également évolués.

Toutefois, les flux de déchets ne relèvent pas encore du règlement CLP dans sa totalité. Leur classification suit toujours le régime des déchets pour beaucoup.

Et la Commission EU travaille à une adaptation du système de classification des déchets dans le but d’adopter les critères CLP. Et elle a également publié une proposition technique pour expliquer et guider les entreprises et les autorités compétentes dans l’interprétation correcte des textes légaux.

La situation est complexe. Voyons si une classification en déchets dangereux pour les piles alcalines comme en Autriche est justifiée.

L’EXEMPLE DES PILES ALCALINES

Les critères du CLP sont très techniques et plus compliqués que les critères de classification précédents. Mais cela peut se résumer comme suit :

Pour vérifier la classification des piles alcalines usagés selon le document technique des critères CLP, nous devons définir une composition représentative du flux de déchets qui se distingue si une pile est entièrement chargée ou totalement déchargée.

Ne connaissant pas l’état d’usure de la batterie, la réalité se situe entre les deux. Nous devons ici faire quelques hypothèses. La composition choisie est résumée ci-après :

Composition d’une pile alcaline :

La pile alcaline usagée est considérée comme un mélange de divers composants du tableau ci-dessus. Dans ce cas, la classification CLP de chaque composé doit individuellement être prise en compte et les règles des mélanges s’appliquent par la suite pour définir la classification finale.

Le résultat est sans appel : les piles alcalines collectées chargées sont être classées dangereuses pour leur toxicité aiguë (HP6) et leur potentiel corrosif (HP8) et les piles alcalines usagées complètement déchargées sont également dangereuses pour leur écotoxicité (HP14) et toujours leur potentiel corrosif (HP8).

En d’autres termes, une pile usagée n’a plus de toxicité aiguë (HP6) mais devient écotoxique (HP14) en raison de la décomposition du zinc.

En conclusion, selon la note technique utilisant les critères CLP et en supposant qu’une pile alcaline est un mélange de plusieurs composés, toutes les piles alcalines devraient être classées en déchets dangereux.

LE CAS DE PILES AU LITHIUM

Dans le cas des piles au lithium, la démonstration est identique et les composés d’une pile ou d’un accumulateur usagé contenant cet élément devraient être classé en déchets dangereux, si l’on considère qu’une pile au lithium usagée est un mélange de plusieurs composés chimiques. Néanmoins, le danger le plus important pour les piles au Li est physique et non chimique (électrocution…)

Dans ce cas, nous aurions une simplification forte, puisque les piles et accumulateurs contenant du Li sont systématiquement classés comme dangereux pour les opérations de transport par la route ou autres (ADR, RID…)

Par contre, ne classer que les piles et accumulateurs au Li en déchets dangereux et non les accus NiMH et les piles alcalines serait incompréhensible et difficile à appliquer, car il faudrait réexpliquer toutes les différences entre catégories à l’ensemble de la filière de collecte et de tri.

LES EVOLUTIONS REGLEMENTAIRES EN COURS A BRUXELLES

En avril 2014, la Commission EU a proposé aux parties prenantes une nouvelle classification qui allait dans le sens d’un classement en déchets dangereux de l’ensemble des piles & accumulateurs. Aux catégories existantes, était ajouté un nouveau code déchet pour les piles et accumulateurs NiMH et Li :

16 06 06* — piles et accumulateurs au NiMH

16 06 07* — piles et accumulateurs au Li

Devant la disparition assez rapide du couple électrochimique NiMH et à la forte diversité de chimies dans les piles et accumulateurs au Li, la Commission a reporté sont projet à l’époque, mais la volonté de faire évoluer cette classification existe chez certains acteurs.

CONSEQUENCES SUR LA FILIERE DE COLLECTE ET DE RECYCLAGE DES PILES & ACCUMULATEURS

La classification des piles et accumulateurs joue son rôle dans la filière de collecte et de recyclage, principalement pour les transports transfrontaliers de piles alcalines.

Actuellement, lors des opérations de collecte, de démantèlement et de tri, les opérateurs respectent les préconisations de la filière. Les points de collecte, les centres de regroupement et les centres de tri travaillent en sécurité et le recycleur reçoivent les piles et accumulateurs avec les bons codes nomenclature dans un conditionnement adapté.

Les trois réglementations se côtoient en permanence, à savoir :

Ces trois ensembles ont une intersection mais ne se recouvrent pas totalement d’où la complexité du sujet.

 

Pour une filière nationale, comme par exemple en France, un changement de classification en déchets dangereux des piles alcalines, NiMH ou Lithium aurait une influence minime car l’ensemble des opérateurs gère déjà ces déchets comme des déchets dangereux lors de la collecte des piles et accumulateurs en vrac, en s’appuyant sur les exemptions que la réglementation ADR permet au niveau du packaging et du transport.

La simplification de la nomenclature en classant l’ensemble des piles et accumulateurs usagés en déchets dangereux conforterait la gestion des opérateurs tous habilités à gérer ce type de déchets. Ceci professionnaliserait encore un peu plus la filière en évitant que tout un chacun puisse se lancer dans ces opérations.

Le stockage de déchets dangereux est soumis à des conditions plus strictes que les non-dangereux ; il y a un impact. Il se peut que certains opérateurs soient habilités pour les 2 catégories mais ce n’est pas toujours le cas ! Si demain les piles ou accumulateurs au Li deviennent déchets dangereux, certains recycleurs vont devoir passer par une adaptation de leurs permis.

Seule la filière post tri serait impactée mais uniquement si les piles et accumulateurs en question (alcalines, NiMH et Li-ion) sont exportées pour recyclage. En effet, un classement en déchet dangereux oblige le détenteur du déchet à engager la procédure dite de liste orange, et non verte de la convention de Bâle sur laquelle se greffe également les transports intra-européens. Cette procédure dite de liste orange est plus complexe pour d’obtenir les autorisations, mais a l’avantage de garantir une bien meilleure traçabilité pour l’organisme exportateur. Une garantie financière est même demandée en cas de défaillance de l’opérateur étranger, pour que l’administration puisse faire recycler les piles en question chez un autre recycleur.

La plupart des éco-organismes utilisent principalement des recycleurs français pour cette opération. Pour certaines catégories de piles (bouton Hg) ou accumulateurs (NiCd, Pb) les opérateurs étrangers sont présents et la filière d’exportation fonctionne déjà, y compris en liste orange.

De même, il faudra faire attention de ne pas pénaliser certains recycleurs qui travaillent à l’export en important des piles et accumulateurs à recycler. Mais là aussi, les filières sont en place y compris par la voie très sécurisée pour le détenteur du déchet (liste orange).

Finalement, on se doit de citer certaines filières de recyclage qui utilisent des outils métallurgiques qui n’ont pas forcément les autorisations de manipuler et traiter des déchets dangereux. Ceux-ci auront besoin d’une adaptation de leurs autorisations en cas de classement de toutes les piles en déchets dangereux, mais ceci professionnaliserait la filière de traitement définitivement.

DE LA NECESSITE DE FAVORISER ET NON CONTRAINDRE LA COLLECTE

Dans le cas d’un changement de nomenclature, il est primordial de ne pas freiner la collecte primaire des piles et accumulateurs usagés. Il faudra donc bien anticiper cette modification lorsqu’elle arrivera et ne pas diaboliser la collecte. On peut voir cette étape comme une régularisation. L’ensemble des opérateurs et notamment les éco-organismes devront faire passer des messages simples en expliquant que le changement est mineur et qu’il protège la filière en spécialisant les opérateurs.

Un classement de toutes les piles et accumulateurs en déchets dangereux favoriser ou freinerait la collecte ? Il est aujourd’hui difficile de trancher, mais il faut dans tous les cas se préparer à cette éventualité avec les contraintes de plus en plus strictes qui définissent les substances dangereuses à Bruxelles.

TABLEAU DE SYNTHESE DES IMPACTS

AVIS GENERAL

Le sujet de la classification des piles et accumulateurs usagés est complexe.

Aujourd’hui, nous pouvons affirmer qu’elle n’est pas en ligne avec les nouvelles réglementations européennes sur les substances chimiques car les piles et accumulateurs ne sont pas considérés comme des substances chimiques servant à stocker l’électricité.

La filière de collecte et de recyclage est déjà très professionnalisée car la plupart des acteurs traitent quotidiennement des déchets largement plus corrosifs et toxiques. Néanmoins, nous constatons que les modifications de la classification de toutes les piles et accumulateurs en déchets dangereux n’auraient que des conséquences limitées sur la filière qui est largement prête à intégrer cet élément. Au contraire, ceci finirait de professionnaliser les derniers opérateurs dans le traitement des déchets.

Ce qu’il faudrait éviter, est un classement partiellement nouveau avec par exemple un classement des piles et accumulateurs au Li en déchet dangereux, sans inclure les accumulateurs NiMH ou les piles alcalines. Ceci provoquerait à nouveau un long décalage avant que l’ensemble de la filière ne l’intègre.

C’est là le risque principal si réglementation trop compliquée venait à freiner la collecte auprès des particuliers et professionnels.
Il faut donc trouver le bon calendrier pour intégrer une nouvelle nomenclature, simple et efficace, qui devra être bien expliquée aux acteurs de la filière pour favoriser la collecte et non la contraindre.